Didier Pineau-Valencienne : “Je suis désespéré de voir que les 40 sociétés du CAC40 sont toutes détenues par des étrangers” : L'ancien dirigeant de Schneider a publié "Soleil et Sympathie", il est l'invité exceptionnel de la Web Tv www.labourseetlavie.com
Ceux qui s’intéressent à la Bourse et aux grandes entreprises ont sans doute connu Didier Pineau-Valencienne à la têtre de l’entreprise Schneider. Mais même ceux-là ignoraient jusqu’à cette publication de “Soleil et Sympathie”, la première passio, qui ne l’a jamais quitté et au contraire accompagné dans sa vie de dirigeant, celle du livre et de […]
Ceux qui s’intéressent à la Bourse et aux grandes entreprises ont sans doute connu Didier Pineau-Valencienne à la têtre de l’entreprise Schneider.
Mais même ceux-là ignoraient jusqu’à cette publication de “Soleil et Sympathie”, la première passio, qui ne l’a jamais quitté et au contraire accompagné dans sa vie de dirigeant, celle du livre et de la littérature. Didier Pineau-Valencienne a ainsi commencé sa carrière en accompagnant Albert Camus chez Gallimard.
Il a réuni au fil des ans une collection exceptionnelle et c’est cette histoire, faite de découvertes et de rencontres, qu’il nous raconte dans ce livre qui contient des documents uniques comme des textes et dessins inédits d’Albert Camus, de René Char, d’André Gide et d’André Malraux.
Dans « Soleil et Sympathie » il raconte comment Albert Camus, Gaston Gallimard, André Malraux, Roger Martin du Gard, René Char, ou Paul Eluard ont marqué sa vie, et même influencé ses décisions dans sa vie personnelle ou professionnelle.
Didier Pineau Valencienne répond dans ce long entretien à mes questions qui portent sur sa vie de dirigeant d’entreprise internationale, lui qui a connu la prison, l’emballement médiatique, mais n’a pas eu forcément le pendant des médias lorsqu’il a été innocenté par le juge belge, une vie où la littérature l’a toujours accompagné, lui le vendéen qui a gardé ses racines au coeur.
L’interview de Didier Pineau-Valencienne par Didier TESTOT fondateur de la Web Tv www.labourseetlavie.com (Tous droits réservés 2020).
Web TV www.labourseetlavie.com : Didier Pineau-Valencienne, bonjour.
Didier Pineau-Valencienne : Bonjour.
Web TV www.labourseetlavie.com : Merci de me recevoir chez vous. On sait que vous avez été un grand dirigeant d’entreprise, de l’entreprise Schneider, mais pour les anciens comme moi, on disait Schneider avant de dire Schneider Electric. C’est effectivement votre réalisation. On connaissait moins de vous votre passion ancienne des livres. C’est ce que vous racontez dans Soleil et sympathie aux éditions du Cherche Midi. Pourquoi avoir voulu justement nous parler de ces livres, de cet amour de la littérature française.
Didier Pineau-Valencienne : Alors, je vais peut-être commencer par vous dire qu’à mon âge, je m’intéresse énormément au caritatif. C’est-à-dire, je voudrais rendre à ceux qui m’ont formé ce qu’ils m’ont donné. Par conséquent, je m’occupe de mon lycée, je m’occupe de mon école HEC et je m’occupe de la médecine, des grandes maladies, d’aider à résoudre les problèmes des grandes maladies. Et m’occupant de mon lycée, un jour, je sortais du Lycée Janson-de-Sailly rue de la Pompe et je vois un groupe de jeunes d’une douzaine d’élèves et qui tous étaient en train de pianoter sur leur portable. À ce moment-là comme dans un rêve, je lève les yeux et je vois les bustes des grands auteurs français qui sont le long du mur de Janson-de-Sailly et je les vois dans mon rêve faire la grimace. Je baisse un peu les yeux, je vois les fenêtres qui s’ouvrent et je vois tous mes professeurs que j’avais eus en 5e, 4e, 2nde, 1ère, qui s’ouvrent et qui me disent « Défends-les, défends-les ». Alors en réfléchissant en allant vers ma voiture, je me suis dit, il faut que j’écrive quelque chose. Et c’est comme ça que j’ai eu l’idée d’écrire ce livre. Et peut-être maintenant, pourquoi le titre ?
Web TV www.labourseetlavie.com : Oui, “Soleil et sympathie”.
Didier Pineau-Valencienne : Soleil et sympathie. Le premier travail que j’ai eu après un long service militaire de près de 28 mois dans la marine, j’ai travaillé, j’ai eu la chance de travailler pendant deux ans pour Albert Camus chez Gallimard et ça a été un des moments merveilleux de ma vie. Camus m’a donné mon premier livre de collection qui était La chute et il m’a donné ce livre numéroté avec une dédicace qui était « Soleil et sympathie ». Et j’ai repris la dédicace de Camus pour faire le titre de mon livre.
Web TV www.labourseetlavie.com : Ce que vous racontez dans cet ouvrage, c’est que Camus, ça a été quelqu’un de proche pour vous puisque quand vous étiez chez Gallimard…
Didier Pineau-Valencienne : Je le voyais tous les jours.
Web TV www.labourseetlavie.com : Nous, on le connaît comme auteur parce qu’on a lu certains de ses livres, mais vous, vous l’avez vu dans la vie réelle.
Didier Pineau-Valencienne : Je le voyais tous les jours, un petit peu avec sa vie privée dont je ne veux pas parler, mais ça fait partie du secret professionnel. J’ai été un peu habitué à traiter de la vie privée des grands. J’ai été Aide de camp dans la Marine à l’amiral et c’est là où j’ai appris la vie finalement et comment il fallait gérer la vie privée de la personne que vous serviez et ça se fait avec beaucoup de discrétion de professionnalisme et c’est peut-être là que j’ai appris les qualités professionnelles qu’il faut avoir dans la vie.
Web TV www.labourseetlavie.com : Vous racontez effectivement beaucoup d’anecdotes, beaucoup aussi de choix que vous faites sur les ouvrages. Vous parlez de René Char effectivement que vous aimez beaucoup. Je vous ai connu finalement à travers votre direction de Schneider, je ne connaissais pas cette partie-là. Comment vous êtes passé de cet amour de la littérature, de ce travail-là, à d’un seul coup l’entreprise. Vous avez fait HEC, vous en parlez au début de notre entretien. Comment ça s’est passé ce passage finalement ?
Didier Pineau-Valencienne : Je dirais que la lecture a toujours pour moi été un support de la vie de tous les jours. Et dans de nombreuses circonstances, la lecture m’a profondément aidé à résoudre les problèmes journaliers que j’avais dans ma vie personnelle ou dans ma vie professionnelle. Donc, je trouve que la lecture est quelque chose de capital dans la vie. Elle contribue à votre formation. Elle vous permet d’acquérir des valeurs et elle vous permet de faire des choix. Par conséquent, dès que j’avais un problème dans ma vie professionnelle ou dans ma vie familiale, je me mettais à lire. Et je retrouvais toujours dans mes grands auteurs ce que je cherchais pour m’aider à résoudre les problèmes du moment.
Web TV www.labourseetlavie.com : Alors, vous parliez de ces tablettes, de ces jeunes, effectivement aujourd’hui nous en avons tous les deux une voire plusieurs. Aujourd’hui, on sent que ce mouvement a été fort, il y a une génération qui est née avec ces tablettes, qui est née avec ces smartphones, donc pour lui donner à cette génération-là, peut-être à vos petits-enfants, le goût d’y revenir, par quels moyens on pourrait leur donner envie ?
Didier Pineau-Valencienne : Je crois que les tablettes et le portable, c’est maintenant une réalité qui va évoluer elle aussi parce que les habitudes sont faites pour changer. En ce moment, c’est la tablette et le portable dont ils usent et ils abusent, parce qu’ils ne peuvent pas vivre sans. Les choses se décanteront avec le temps. Je ne veux pas supprimer le portable ni la tablette, parce que je crois qu’il y aura toujours une nécessité de les avoir pour aider à résoudre les problèmes. Je vous donnerai un exemple tout à l’heure. Mais les choses peuvent se faire différemment. Moi, ce que j’espère, c’est qu’il va y avoir une utilisation effectivement différente de ce nouveau mode d’accès à la connaissance, parce qu’on est dans une période d’abus, comme je le disais il y a un instant et il va falloir décanter. Mais il va falloir les garder. Je vais vous donner un exemple. L’autre jour là où nous sommes, je cherchais la définition de l’amitié par Alain et j’étais plongé dans mon livre La Pléiade et je cherchais. J’ai un de mes petits-enfants qui passe et qui me dit « qu’est-ce que tu cherches ? » et je lui dis « je cherche la définition… » et en 15 secondes, il me trouve la définition que je cherchais de l’amitié d’Alain. C’est un avantage, mais je vais vous montrer un inconvénient. En écrivant mon livre, je crois que c’est à la fin du livre dans le dernier chapitre, je cherchais une définition de Roger Martin du Gard. Et je cherche dans internet et internet me donne Maurice Martin du Gard et c’était faux. Donc, vous avez une information fausse qui se répand éternellement grâce à internet. Donc, il faut faire toujours très attention avec la recherche de la vérité quand on s’adresse soit à internet, soit même à la recherche véritable, à la source de l’information.
Web TV www.labourseetlavie.com : L’une des périodes que vous racontez et puis ça fait partie de vos origines, c’est bien sûr la Vendée. Vous parlez de deux Vendéens célèbres, mais on pourrait dire qu’il y en a un troisième ici maintenant devant moi, avec Clemenceau, Jean de Lattre de Tassigny. On sait que la Vendée du XVIIIe a souffert bien sûr de la Révolution française. Ça a été peut-être une période un peu occultée. Celle d’aujourd’hui finalement, on s’aperçoit qu’elle entreprend et vous avez fait un parallèle entre celle qui a souffert à cette période-là et finalement celle qui aujourd’hui entreprend et de manière admirable.
Didier Pineau-Valencienne : Oui. Je vais vous dire, le Vendéen est quelqu’un de très courageux. Le Vendéen est travailleur et le Vendéen est fidèle. Avec ces trois qualités, je crois que c’est Chateaubriand qui dans Les Mémoires d’outre-tombe disait « Le Vendéen est un énorme travailleur et on le voit bien derrière sa charge ». C’est-à-dire qu’il laboure. Il travaille pour créer. Et je crois que c’est ça les caractéristiques du Vendéen et moi, j’aime bien ça. Et puis le Vendéen, c’est un fidèle. Dans mon petit village de Vendée à La Caillère-Saint-Hilaire, j’ai toujours des copains qui étaient avec moi quand on avait dix ans et qu’on allait mettre des collets pour attraper des lièvres dans les grands bois. Je suis resté très fidèle en amitié avec eux et ce sont mes copains de toujours. Il faut cette fidélité parce que je crois que là aussi le Vendéen est fidèle. Alors, voilà les tas de caractéristiques qui font que j’aime la Vendée et que la Vendée est un modèle pour la France. Nous avons en Vendée actuellement 4 % de chômeurs quand il y en a 8 en France. Vous avez en Vendée des PME qui se créent tous les jours, malgré toutes les difficultés qu’on a dans notre pays pour créer des PME.
Web TV www.labourseetlavie.com : Oui. On aura l’occasion d’en reparler. On est justement dans cette période capitalisme et travail. Est-ce que ce n’est pas finalement au cœur de nos interrogations collectives aujourd’hui ? On sait que le capitalisme est partout, y compris dans les pays communistes. Il n’y a plus que le capitalisme, on pourrait dire. Mais on voit aussi qu’il est contesté. On est dans un climat qui ressemble quand même un peu à celui des années trente après la crise financière, la crise économique, la crise sociale, la crise de la société. Est-ce qu’aujourd’hui finalement, il faut en trouver ou en réinventer un capitalisme ?
Didier Pineau-Valencienne : Non. Je vais vous dire ma conviction, c’est que le Général de Gaulle avait été un des premiers à nous dire comment il voyait l’évolution du capitalisme. C’était l’association du capital et du travail. Dans la création de richesse, il faut que tous les participants à la création de richesse aient leur dû. Il faut que le capital ait son dû, il faut que le travail ait son dû et il faut que la société dans son ensemble ait son dû et c’est une harmonie, un partage harmonieux pour permettre que le premier objectif soit la création de richesse. Et moi ce qui me désespère en France, c’est qu’on pense à la distribution avant même d’avoir créé la richesse. Commençons par favoriser la création de richesse et prévoyons des dispositifs qui permettent une redistribution harmonieuse de cette richesse et non pas un système confiscatoire comme ceci a été le cas depuis 1981 l’arrivée des socialistes au pouvoir dans ce pays.
Web TV www.labourseetlavie.com : Donc de votre point de vue, on est parti effectivement sur une évolution où le curseur a été trop du côté des actionnaires ? Je pense aux sociétés en bourse qu’on connaît bien.
Didier Pineau-Valencienne : Je pense qu’il y a eu des exagérations des deux côtés, si vous voulez et on n’a pas suivi les conseils du Général de Gaulle qui lui avait bien compris avant tout le monde la nécessité de cette association du capital et du travail. Vous voyez par exemple chez Schneider, je faisais en sorte que tout le personnel puisse devenir actionnaire. Tout le personnel pouvait souscrire à une augmentation de capital tous les ans à l’équivalent d’un an de salaire à un cours de bourse inférieur de 30 % pour favoriser le capital et le travail.
Web TV www.labourseetlavie.com : Mais aujourd’hui quand on regarde ces entreprises du CAC40 que je connais bien, finalement vous avez des fonds de pension américains, vous avez des retraités californiens qui sont les principaux actionnaires de ces entreprises. Il y a très peu de français dans le capital.
Didier Pineau-Valencienne : Je suis désespéré de voir que les 40 sociétés du CAC40 sont toutes détenues par des étrangers. Et aujourd’hui, ils ne sont pas manifestés dans les assemblées générales, peut-être une ou deux fois. Mais s’ils venaient à intervenir...